Les réseaux de chaleur prennent de l’ampleur en France, et ce n’est qu’un début ! Avec plus de 1 000 installations en service et 50 000 bâtiments raccordés, le pays affiche une progression remarquable, portée par les énergies renouvelables et de récupération. Mais, cette dynamique suffira-t-elle pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement d’ici 2030 ? Plongez dans l’univers du réseau de chaleur urbain avec KparK Énergies.
Réseaux de chaleur en 2024 : analyse des chiffres clés
Le réseau de chaleur urbain assure la production collective de chauffage et d’eau chaude sanitaire, distribués par l’intermédiaire de canalisations souterraines. Alimentée par une centrale, cette chaleur peut provenir de diverses sources comme la biomasse, la géothermie, la récupération industrielle ou l’incinération des déchets. Mais concrètement, combien d’installations la France compte-t-elle actuellement, et comment sont-elles réparties ?
État des lieux des réseaux de chaleur en France
Depuis 2019, les réseaux de chaleur en France connaissent une forte expansion, portée par les mesures gouvernementales en faveur des énergies renouvelables. La crise énergétique de 2022, amplifiée par le conflit en Ukraine, a renforcé cette dynamique. En 2023, cette tendance s’est poursuivie, comme en témoignent les chiffres récents : (1)
- 1 000 réseaux de chaleur en service, soit un doublement des installations en 10 ans ;
- 23,8 GW de puissance thermique installée, répartis majoritairement dans les grandes agglomérations, mais avec une progression significative dans les petites et moyennes villes ;
- 26,1 TWh de chaleur livrée (hors pertes de distribution et livraisons), alimentant 50 065 bâtiments (+2 685 en 1 an), soit l’équivalent de 2,9 millions de logements ;
- + 1 300 km de canalisations en 3 ans, portant la longueur totale à 7 515 km.
Évolution sur 10 ans du raccordement des bâtiments et de l’expansion des réseaux de chaleur :
Source : FEDENE.
Puissance thermique installée et volume de chaleur distribué en 2023 :
Source : Données et études statistiques du ministère de la Transition écologique.
Part croissante d’énergies renouvelables et de récupération
En 2023, les réseaux de chaleur ont atteint un taux de 66,5 % d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R), contre 37,6 % en 2022. Ce mix énergétique se répartit comme suit : (2)
- 29,73 % de chaleur fatale issue des Unités de valorisation énergétique (UVE), produite lors de l’incinération des déchets ménagers ;
- 26,15 % de biomasse, sous forme de bois-énergie, plaquettes forestières ou granulés ;
- 5,62 % de géothermie, exploitée grâce à des pompes à chaleur ou par géothermie profonde (forages) ;
- 3,02 % d’autres sources renouvelables, incluant le biogaz issu de méthanisation ou le solaire thermique ;
- 1,15 % de chaleur fatale industrielle, récupérée de procédés industriels comme les hauts fourneaux ou les raffineries.
Les 33,5 % restants correspondent principalement au gaz naturel, qui joue souvent un rôle d’appoint. En revanche, l’utilisation du charbon, du fioul et du GPL dans les réseaux de chaleur est désormais marginale et tend à disparaître grâce aux efforts de décarbonation.
Consommation énergétique des réseaux de chaleur par source (en TWh, données brutes non ajustées aux variations climatiques) :
Source : SDES.
Répartition des usages et points de livraison des réseaux de chaleur
En France, les réseaux de chaleur desservent principalement les secteurs suivants : (2)
- 53 % résidentiel (logements collectifs, copropriétés) ;
- 32,3 % tertiaire (bureaux, écoles, hôpitaux, bâtiments publics) ;
- 7,5 % industriel (chauffage et procédés industriels) ;
- 7,2 % agriculture (chauffage de serres et équipements agricoles).
Quid des réseaux de froid ?
Fonctionnant sur le même principe qu’un réseau de chaleur, le réseau de froid s’utilise pour le refroidissement des bâtiments tertiaires, comme les bureaux, centres commerciaux, hôpitaux ou data centers. En transportant de l’eau glacée ou de l’air refroidi à travers un réseau de canalisations souterraines, il évite le recours à un climatiseur classique, souvent énergivore.
En outre, ces systèmes tirent parti de sources d’énergies renouvelables comme la géothermie, l’eau des rivières ou la récupération de chaleur, convertie en froid grâce à des technologies innovantes telles que la trigénération.
En 2023, la France comptait 43 réseaux de froid, soit 3 de plus qu’en 2022. Ces infrastructures desservent 1 637 bâtiments (+74 en un an) et fournissent 0,97 TWh de froid net. (2)
Bon à savoir
Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), présenté par le Premier ministre Michel Bernier fin octobre 2024, souligne l’importance du développement des technologies de froid renouvelable.
Évolution sur 10 ans du raccordement des bâtiments et de l’expansion des réseaux de chaleur :
Source : FEDENE.
Objectifs LTECV et PPE : où en est la France aujourd’hui ?
Pour réussir sa transition énergétique, la France a fixé des objectifs ambitieux pour le développement des réseaux de chaleur urbains. Ils occupent en effet une place centrale dans les stratégies nationales, définies par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte
Adoptée en 2015, la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) établit les grandes orientations de la politique énergétique française. Elle vise à réduire les impacts du changement climatique et à encourager une économie bas-carbone.
Ainsi, elle prévoit :
- Une diminution de 30 % de la consommation primaire d’énergies fossiles (gaz, charbon, fioul, GPL) d’ici 2030, par rapport à 2012 ;
- Une augmentation de la part des énergies renouvelables à 32 % (solaire, éolien, biomasse, hydraulique) dans le mix énergétique d’ici 2030 ;
- Une division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, entre 1990 et 2050.
Les réseaux de chaleur, majoritairement alimentés par des énergies renouvelables et de récupération constituent donc un levier important.
Évolution des livraisons nettes d’énergie dans les réseaux de chaleur et objectifs 2030 :
Source : Réseaux de chaleur 2023 – Via Sèva, Manergy, FEDENE.
Programmation pluriannuelle de l’énergie
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un plan stratégique qui détaille les actions concrètes à mener pour atteindre les objectifs fixés par la loi LTECV. Révisée tous les 5 ans, elle définit les investissements et les mesures à mettre en œuvre pour le développement des énergies renouvelables, la réduction de la consommation énergétique et la sécurité d’approvisionnement.
Dans la troisième édition de la PPE, publiée en novembre 2024, les priorités pour les réseaux de chaleur sont définies comme suit : (2) (3)
- Atteindre 75 % d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) dans les réseaux de chaleur d’ici 2030, puis 80 % d’ici 2035 ;
- Mobiliser entre 20 et 25 milliards d’euros pour soutenir ces développements, avec des retombées économiques estimées à 14 250 créations d’emplois, et 27 050 équivalents temps plein en 2030 ;
- Éviter 5 millions de tonnes de CO₂ par an grâce à ces initiatives, en considérant que les 22,1 TWh d’EnR&R à livrer viendront en remplacement du gaz, dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ;
- Développer 1 340 nouveaux réseaux de chaleur, soit environ 2 par département et par an, avec une attention particulière aux villes de moins de 15 000 habitants, selon le Schéma directeur national des réseaux de chaleur 2030.
Fonctionnement du réseau de chaleur urbain : décryptage technique
Le réseau de chaleur urbain est une infrastructure complexe articulée autour de 3 pôles principaux : la production énergétique, le transport, et la distribution de chaleur. Ces systèmes fonctionnent en synergie pour fournir du chauffage et de l’eau chaude à de nombreux bâtiments, à partir de sources diversifiées telles que la biomasse, la géothermie ou encore la chaleur fatale.
Chaufferie : l’unité de production de chaleur
L’unité de production est le cœur du réseau de chaleur urbain, où l’énergie thermique est produite avant d’être distribuée à chaque bâtiment. Diverses technologies peuvent être combinées pour maximiser l’efficacité énergétique et assurer une continuité de service.
Unité de valorisation énergétique (UVE)
Les Unités de valorisation énergétique (UVE) récupèrent la chaleur produite lors de l’incinération des déchets ménagers. En 2023, elles ont contribué à près de 30 % de la chaleur totale fournie, tout en limitant l’enfouissement des déchets.
Dans ces installations, les déchets non recyclables sont pesés à leur arrivée, puis déversés dans une fosse de stockage hermétique. Une grue automatique les introduit dans le four en quantités contrôlées pour garantir une combustion optimale à des températures de 850 à 1 200 °C, suffisantes pour détruire les composés organiques.
Cette énergie thermique est ensuite transférée à une chaudière où elle génère de la vapeur. Cette vapeur actionne des turbines pour produire de l’électricité ou est directement utilisée dans un réseau urbain pour le chauffage et l’eau chaude. Les fumées de combustion passent par des systèmes de filtration avancés (électrofiltres, laveurs, filtres à manches) pour éliminer les particules, gaz acides et métaux lourds, et respecter les normes environnementales les plus strictes.
Chaufferies biomasse
Les réseaux de chaleur par chaufferies biomasse utilisent principalement des plaquettes forestières et des résidus agricoles (paille, coques, tiges de maïs, etc.). Ces combustibles, issus des forêts communales ou de sous-produits agricoles et industriels locaux, sont stockés dans des réservoirs de grande capacité, régulièrement réapprovisionnés par camions.
Brûlés dans des chaudières à haut rendement (supérieur à 85 %), ils génèrent une chaleur vive qui est transférée à un fluide caloporteur pour alimenter le réseau. Les fumées sont également traitées par des systèmes de filtration avancés.
Adaptées aux réseaux de toutes tailles, ces chaufferies se distinguent par leur efficacité énergétique et leur faible empreinte carbone.
Géothermie de surface ou profonde
La géothermie exploite la chaleur présente sous terre, qui peut être obtenue de 2 manières :
- La géothermie de surface, qui puise sa source d’énergie dans les couches peu profondes du sol (jusqu’à 200 m de profondeur), à l’aide de capteurs horizontaux ou de sondes verticales. La chaleur est ensuite décuplée grâce à des pompes à chaleur. Cette solution est idéale pour les écoquartiers ou petites collectivités.
- La géothermie profonde, qui extrait l’énergie des aquifères profonds (entre 1 500 et 3 000 m de profondeur). Les températures élevées (50 à 150 °C) permettent de fournir directement la chaleur au réseau, sans nécessiter de pompe à chaleur. Elle convient particulièrement aux réseaux urbains de grande ampleur, comme en Île-de-France, où les ressources géothermiques sont abondantes.
La géothermie se distingue par son faible impact environnemental : elle n’émet quasiment pas de CO₂ et ne dépend pas des variations climatiques. Elle offre ainsi une énergie stable 100 % renouvelable.
Chaleur fatale industrielle
La chaleur fatale industrielle désigne l’énergie thermique résiduelle produite lors de procédés tels que la métallurgie, le raffinage ou la fabrication de ciment. Autrefois dissipée dans l’atmosphère ou les cours d’eau, cette ressource peut désormais être récupérée et valorisée, grâce à des systèmes de récupération.
Bénéficiant d’une température souvent élevée, la chaleur fatale peut s’utiliser directement, sans nécessiter d’étapes supplémentaires de transformation. Cette approche optimise l’efficacité énergétique des industries tout en favorisant l’économie circulaire.
Selon l’ADEME, ce potentiel reste largement sous-exploité en France, mais représente un levier important pour atteindre les objectifs climatiques et renforcer la durabilité des réseaux de chaleur.
Réseau de distribution : le transport par canalisations
Le réseau de distribution est l’ensemble des canalisations souterraines qui transportent la chaleur depuis l’unité de production jusqu’aux consommateurs finaux. Il se compose de 2 circuits principaux :
- Circuit primaire. Il transporte de l’eau chaude ou de la vapeur à haute température (souvent entre 70 °C et 180 °C), sur de longues distances avec des pertes thermiques minimales.
- Circuit secondaire. Interne aux bâtiments, il distribue les calories aux différents émetteurs de chaleur, tels que les radiateurs ou les planchers chauffants.
Le réseau est également équipé de pompes de circulation, de vannes de régulation et de capteurs pour contrôler le débit, la pression et la température de l’eau.
Sous-station : la distribution de la chaleur
La sous-station, ou point de livraison, est l’interface entre le réseau de distribution et le système de chauffage du bâtiment. Elle assure la diffusion de chaleur par le biais de plusieurs composants :
- Échangeurs de chaleur. Ces dispositifs permettent le transfert thermique entre le réseau primaire et le circuit de chauffage interne sans mélange des fluides ;
- Systèmes de régulation thermique. Des régulateurs automatiques ajustent la température et le débit en fonction des besoins du bâtiment, assurant un confort optimal tout en évitant le gaspillage d’énergie ;
- Compteurs de chaleur. Ils mesurent la quantité de chaleur consommée, permettant une facturation précise et incitant à une consommation plus responsable.
(1) Source : Données et études statistiques du ministère de la Transition écologique – chiffres de 2023.
(2) Source : Enquête annuelle des réseaux de chaleur et de froid de la Fédération professionnelle des entreprises de services pour l’énergie et l’environnement (FEDENE) - édition 2024.
(3) Source : Stratégie française pour l’énergie et le climat - Programmation pluriannuelle de l’énergie (2025-2030, 2031-2035).