La multiplication des catastrophes naturelles et le vieillissement des infrastructures contraignent les gestionnaires à moderniser le réseau électrique. Ainsi, près de 200 milliards d’euros seront investis d’ici 2040 pour renforcer la qualité et la fiabilité du réseau public de distribution en France et en Europe. Ce vaste projet s’appuie sur le développement des technologies de pointe, telles que l’intelligence artificielle et les smart grids. Comment optimiser la gestion énergétique, anticiper les anomalies et assurer la stabilité du réseau électrique ? KparK Énergies fait le point !
Pourquoi les réseaux électriques doivent-ils évoluer ?
Le réseau de distribution d'électricité doit évoluer pour s’adapter au changement climatique et à l’explosion des besoins électriques, liée à l'émergence de nouveaux usages. Découvrez les enjeux de la modernisation du réseau électrique.
Tempêtes, canicules, froid : les impacts sur les infrastructures
Nos infrastructures électriques n’ont pas été conçues pour résister aux effets du réchauffement climatique. En 2023, Enedis a recensé 21 événements d’ampleur, dont 16 tempêtes majeures, contre 4 à 9 par an entre 2015 et 2022. À titre d’exemple, la tempête Ciarán, avec des rafales dépassant les 200 km/h, avait privé 1,2 million de foyers français d’électricité en 2023 et mobilisé 3 400 techniciens.
Par ailleurs, les canicules provoquent la dilatation des câbles aériens et souterrains, dont la température peut dépasser les 130 °C sous l’asphalte. Ils s’usent alors prématurément et perdent en capacité de transport électrique. De même, la demande en électricité s’accroît avec l’utilisation massive de la climatisation, augmentant le risque de panne du réseau électrique. Enfin, les sécheresses compliquent le refroidissement des centrales thermiques, hydrauliques et nucléaires, tandis que les vagues de froid intensifient la demande énergétique pour le chauffage.
Électrification des usages : des besoins électriques en hausse
La transition énergétique pousse de nombreux secteurs à se tourner vers l’électricité décarbonée, comme le solaire et l’éolien, pour remplacer les énergies fossiles. En France, cette dynamique s’accélère avec l’essor :
- Des véhicules électriques aujourd’hui, et à hydrogène vert demain ;
- Des pompes à chaleur, soutenues par des aides financières attractives ;
- Des installations photovoltaïques, dont le prix des panneaux est au plus bas et qui s’accompagnent également d’aides, telles que la prime à l’autoconsommation.
Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, il n’en demeure pas moins vrai qu’elles orientent les ménages vers une solution tout électrique dont il faudra combler les besoins croissants.
Selon les prévisions du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE, la demande d’électricité pourrait atteindre entre 580 et 640 TWh par an d’ici 2035. Aujourd’hui, elle est d’environ 460 TWh, portée principalement par l’électrification de la mobilité et l’industrie lourde.
Quelles technologies pour renforcer le réseau électrique ?
Pour moderniser le réseau électrique, les gestionnaires misent sur le développement de technologies innovantes et durables. Le plan d’action inclut le renforcement des lignes aériennes et l’enfouissement des câbles dans les zones à risque. Il prévoit également le recours aux smart grids et à l'intelligence artificielle.
Infrastructures souterraines et aériennes : plus sûres et robustes
Pour sécuriser et améliorer la qualité des infrastructures souterraines et aériennes, Enedis et RTE mettent en place plusieurs stratégies :
- Remplacement des pylônes et des lignes aériennes par des modèles plus résistants capables de supporter des vents forts jusqu’à 180 km/h. Ces pylônes anti-cascade préviennent les chutes en série (effet domino). Des lignes renforcées sont également installées dans les zones à risque.
- Enfouissement des lignes dans les zones les plus vulnérables. Bien qu’elles soient protégées des vents violents et des chutes d’arbres, les lignes électriques souterraines nécessitent des adaptations pour supporter des températures élevées, surtout en milieu urbain. Des projets de modernisation ont été lancés pour remplacer les anciens câbles à isolation papier par des câbles à isolation synthétique.
- Technologies de surveillance avancées. Des drones qui inspectent les lignes aériennes et souterraines et repèrent rapidement les signes d’usure ou d’anomalies sont utilisés. Ces données sont analysées à l’aide de l’intelligence artificielle et permettent de réaliser des interventions préventives ciblées.
Bon à savoir
En Seine-et-Marne, la filiale d’EDF investit 1,2 million d’euros chaque année pour anticiper les éventuelles pannes et coupures de ses réseaux électriques.
Smart grids : des réseaux électriques intelligents et réactifs
Les smart grids, ou réseaux électriques intelligents, facilitent l’intégration des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien. Ces sources d’énergie, sensibles aux conditions météorologiques, requièrent en effet une gestion dynamique pour compenser leur intermittence et assurer la stabilité du réseau électrique.
Un exemple concret est le déploiement des compteurs Linky. Ces appareils permettent de surveiller la consommation d’électricité en temps réel et d’ajuster l’équilibre entre l’offre et la demande. Le compteur enregistre également la production de vos panneaux photovoltaïques, dans le cas d’une vente totale d’électricité ou d’autoconsommation avec vente du surplus. De surcroît, lorsque la production dépasse la consommation locale, l’électricité excédentaire est redirigée vers d’autres usages ou stockée dans des batteries pour une utilisation ultérieure.
Bon à savoir
Enedis et la FNCCR (1) ont équipé plus de 450 poteaux dans 25 communes d’objets connectés (répéteurs, capteurs, caméras, radars pédagogiques, panneaux de signalisation connectés, etc.). Cette initiative réduit le besoin de multiplier les infrastructures tout en améliorant la gestion des équipements publics et des espaces urbains.
IA : prédire et prévenir les coupures d’électricité
L’intelligence artificielle (IA), grâce à des algorithmes avancés, analyse un grand volume de données collectées par des capteurs et des compteurs intelligents, comme le Linky. Elle permet de repérer rapidement les anomalies et les faiblesses du réseau avant qu’une panne ne survienne. L’IA peut ainsi détecter des surtensions, des échauffements anormaux ou des coupures locales, et déclencher des actions préventives à distance. Par exemple, elle peut réorienter les flux d’électricité pour éviter les surcharges ou activer des solutions de secours, réduisant ainsi le risque de coupures.
De plus, l’IA anticipe les pics de consommation d’électricité, notamment lors des vagues de froid ou de chaleur. En s’appuyant sur les données historiques et les prévisions météorologiques, elle ajuste la distribution de l’énergie en conséquence.
Comment le réseau se modernise-t-il en France et en Europe ?
La France va investir 200 milliards d’euros d’ici 2040 pour moderniser son réseau électrique, répartis entre RTE (100 milliards pour le réseau haute tension) et Enedis (réseau basse et moyenne tension). En outre, l’électrification s’intensifie, avec 10 interconnexions européennes d’ici 2035 et le raccordement de 8 parcs éoliens offshore d’ici 2029.
Ces coûts seront répartis entre les consommateurs et les producteurs d’électricité, sous la supervision de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
À l’échelle européenne, les smart grids et les interconnexions transfrontalières renforcent la résilience du réseau de distribution. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre du programme Fit for 55 de l’Union européenne dont l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030.
Alors que le modèle économique tend vers un système 100 % renouvelable, des avancées en matière de systèmes de stockage d’énergie et de gestion intelligente des réseaux permettent d’envisager cette perspective. Des projets et études, comme Kombikraftwerk 2, REStable, et Migrate ou Osmose démontrent la faisabilité technique. Cependant, l’intermittence des énergies renouvelables et l’équilibrage entre production et demande représentent encore des défis majeurs à surmonter.
(1) Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).