Biogaz en France : plus de biométhane, moins gaz russe

Publié le 05/11/2024 à 17:23, mis à jour le 18/11/2024 à 09:07
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Le contexte actuel de tensions géopolitiques et de flambée des prix nous oblige à repenser notre façon de consommer l’énergie en France. Face aux menaces sur l’approvisionnement et à l’urgence climatique, le biogaz « Made in France » semble émerger comme une solution viable. Ce gaz vert, issu de la méthanisation de déchets, pourrait renforcer notre autonomie énergétique et encourager une économie circulaire. Mais cette production locale suffira-t-elle à réduire notre dépendance au gaz russe ? KparK Énergies explore cette question d’actualité pour vous. 
 

Qu’est-ce que le biogaz et comment est-il produit en France ?

Le biogaz est une énergie renouvelable obtenue à partir de la décomposition de matières organiques grâce au procédé de la méthanisation. Riche en méthane et en dioxyde de carbone, il constitue un excellent combustible permettant de fournir du chauffage, de l’eau chaude, de l’électricité et même du carburant. Une fois purifié, il peut être injecté dans le réseau où il s’apparente au gaz naturel, tout en offrant une alternative plus écologique et économique.

 

Transformation des déchets : des ressources énergétiques précieuses

Presque toutes les matières organiques peuvent être utilisées pour produire du biogaz, ce qui représente l’un des atouts majeurs de cette méthode de production d’énergie. Parmi les ressources communément exploitées, on retrouve :

  • Les déchets agricoles, comme les résidus de récoltes, le fumier ou les pailles ;
  • Les déchets alimentaires des ménages et de la restauration collective ;
  • Les déchets verts, tels que la tonte de gazon ou la taille des arbres ;
  • Les effluents et boues, issues des stations d’épuration ;
  • Les sous-produits industriels, comme les graisses ou les résidus agroalimentaires.

La méthanisation : au cœur de la production de biogaz

Pour mieux comprendre la méthanisation, on peut aisément la comparer au compostage. Imaginez votre composteur, où vous placez vos biodéchets. En présence d’oxygène et d’humidité, la décomposition commence, activée par des micro-organismes (bactéries, champignons) et des insectes (vers, cloportes). À la fin, vous obtenez du compost, un fertilisant idéal pour vos plantes.

 

Avec la méthanisation, c’est à peu près pareil, avec certes quelques différences :

  • Le composteur s’appelle ici un méthaniseur ou digesteur ;
  • La matière organique, plus variée, est triée et broyée avant de rejoindre le digesteur ;
  • La décomposition s’effectue en l’absence d’oxygène (en anaérobie) ;
  • Les micro-organismes (bactéries et archaea), invisibles à l’œil nu, sont maintenus à une température de 38 °C pour favoriser leur activité et leur prolifération.

 

Dans les faits, ce sont ces micro-organismes qui réalisent tout le travail en 4 étapes :

  1. Hydrolyse. Les molécules complexes sont fragmentées en composants simples (sucres, acides aminés).
  2. Acidogénèse. Ces éléments sont transformés en acides gras, alcool et gaz.
  3. Acétogénèse. Les acides sont convertis en acétate, dioxyde de carbone et hydrogène.
  4. Méthanogénèse. L’acétate et l’hydrogène produisent du méthane (biogaz) et du CO2.

 

À la fin de ce processus, on obtient un sous-produit solide, appelé le digestat, qui est un engrais écologique très efficace.

 

Utilisation ou injection dans le réseau : fin du parcours du biogaz

À ce stade, le biogaz produit peut déjà être utilisé comme combustible de chauffage collectif pour alimenter des chaudières pour des bâtiments, des exploitations agricoles, ou des processus industriels. Il peut également servir à alimenter des moteurs à cogénération pour produire simultanément de la chaleur et de l’électricité verte.

 

En revanche, pour être injecté dans le réseau public de gaz ou servir de carburant (bioGNV), le biogaz doit être purifié. C’est ainsi qu’il atteindra une qualité proche de celle du gaz naturel. Cette étape, appelée épuration, élimine notamment le dioxyde de carbone (CO2) et le sulfure d’hydrogène (H2S) et donne ainsi naissance au biométhane. 
 

Filière du biogaz en France : état des lieux et perspectives

En 2024, la filière du biogaz se renforce en France, soutenue par des politiques ambitieuses pour valoriser les déchets organiques. Avec plus de 1 800 installations en activité, le biogaz devient une solution centrale pour diversifier le mix énergétique et réduire la dépendance aux énergies fossiles importées, notamment le gaz russe.

 

Production de biogaz, biométhane et biocarburants

Le tableau ci-après présente la consommation des principales sources d’énergies renouvelables obtenues à partir de la biomasse en France et leur évolution en 1 an. (1) 
 

Énergies renouvelables  Consommation en TWh  Progression (par rapport à 2023) Remarques
Biogaz 21 TWh + 9 % Principalement utilisé pour produire de l’électricité et de la chaleur (2/3) et du biométhane (1/3)
Biométhane 9,1 TWh + 15 % Forte croissance, représentant 39 % du biogaz total produit, injecté dans les réseaux de gaz naturel
Biocarburant 41 TWh

+ 3 % pour le biodiesel

- 0,6 % pour les bioessences

Constituent environ 11 % de la consommation d’énergies renouvelables en France

Évolution de la consommation primaire de biogaz

Ce graphique montre l’évolution de la consommation de biogaz en France entre 2011 et 2023. Il détaille les différents usages : production d’électricité, cogénération, et injection dans les réseaux. La consommation directe dans l’industrie et les services y est également représentée. 

Evolution consommation

Sources : SDES, enquête sur la production d’électricité, ADEME, Itom, GRTgaz.

 

Évolution des injections de biométhane dans le réseau

Ce graphique prouve la croissance rapide de la production de biométhane en France de 2012 à 2023. Il illustre une progression constante et accélérée, atteignant près de 9 TWh en 2023.

Evolution des injections de biométhane

Source : gestionnaires de réseaux.

 

Évolution de la consommation finale de biocarburants

Ce graphique présente l’évolution de la production de biocarburants en France de 2000 à 2023. Il distingue les contributions du biodiesel, de la bioessence et du biokérosène.

Evolution de la consommation finale de biocarburants par filière

Source : SDES, d’après DGEC. 
 

Usines de méthanisation : capacités de production de l’hexagone

En 2022, la France comptabilisait 1 869 installations de production de biogaz, obtenu principalement par méthanisation. Ces unités, réparties entre exploitations agricoles, industries, stations d’épuration et centres territoriaux, traitent chaque année des milliers de tonnes de déchets organiques. La part renouvelable des déchets ménagers convertie en énergie a atteint 15 TWh en 2023. (1)

 

Consommation primaire de déchets ménagers renouvelables

Ce graphique met en avant l’évolution de la consommation d’énergie issue des déchets ménagers en France de 2011 à 2022. Il expose les différentes utilisations : production d’électricité seule, cogénération (électricité et chaleur), production de chaleur seule, et consommation directe dans l’industrie et les services. 

Consommation primaire de déchets ménagers renouvelables pour la production d’énergie

Sources : SDES, enquête sur la production d’électricité ; Ademe, Itom ; GRTgaz.

 

Répartition des installations de production du biogaz

Ce graphique en anneau illustre la répartition des sources de production de biogaz en France. Il distingue la production d’électricité et de chaleur ainsi que les injections de biogaz, selon l’origine : méthanisation, biogaz de décharge ou stations d’épuration. 

Installation de production de biogaz

Sources : SDES, enquête sur la production d’électricité ; Ademe, Itom ; GRTgaz.

 

Répartition des installations de biogaz pour la production d’électricité

Cette carte dévoile la répartition des installations de production de biogaz en France en 2024, en indiquant la puissance installée (en MW) par région. Les cercles, de taille variable, indiquent les capacités des installations, avec une concentration notable dans les régions à forte activité agricole. Les territoires d’outre-mer sont également illustrés, soulignant leur contribution à la production nationale. 

Puissance des installations de biogaz

Source : SDES, d’après raccordements Enedis, RTE, EDF-SEI, CRE et les principales ELD.

 

Objectif 2030 : intégrer le gaz vert dans le mix énergétique

Dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la France prévoit de produire entre 24 et 32 TWh de biogaz par an d’ici 2028, dont 14 à 22 TWh seront injectés dans les réseaux de gaz naturel. Plus spécifiquement à la production d’électricité décarbonée par méthanisation, le PPE fixe un objectif de puissance installée compris entre 340 et 410 MW. (2)

 

Le biogaz s’inscrit également dans la stratégie nationale pour parvenir à un mix gazier 100 % renouvelable d’ici 2050. Cette transition énergétique nécessitera des adaptations du réseau gazier, un développement accru des unités de méthanisation agricole, et une coopération renforcée entre les filières énergétiques pour maximiser les synergies et atteindre la neutralité carbone. 

Biogaz : un levier pour la transition énergétique en France ?

En somme, le biogaz se positionne comme une solution prometteuse pour accélérer la transition énergétique en France, à l’instar du solaire et de l’éolien. En valorisant les déchets organiques issus de l’agriculture, de l’industrie, et des ménages, cette énergie renouvelable permet de réduire la dépendance aux importations de gaz naturel, notamment en provenance de pays comme la Russie. En parallèle, elle favorise une économie circulaire en transformant les déchets en ressources utiles, limitant ainsi leur impact environnemental.

 

Sur le plan climatique, le biogaz contribue activement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en se substituant aux énergies fossiles et en minimisant les émissions liées à la décomposition des matières organiques.

 

Néanmoins, pour que cette filière atteigne son plein potentiel et intègre durablement le mix énergétique français, des efforts sont encore nécessaires, notamment en matière d’infrastructures, de réglementation, et de coopération entre les acteurs. C’est donc un défi à relever, mais aux côtés du solaire photovoltaïque et de l’éolien, le biogaz « made in France » pourrait véritablement devenir un atout majeur pour renforcer l’indépendance énergétique du pays.

 

(1) Source : Chiffres clés des énergies renouvelables du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires – édition 2024.

(2) Source : ministère de la Transition écologique.